Blanche LUCAS (1874-1956), professeurdharmonie à la Schola Cantorum, compositrice de musique religieuse.
Lettreautographe signée adressée à ses amis, le chef d'orchestre et compositeur Désiré-Émile INGHELBRECHT(1880-1965) et son épouse. 6 pages (23 x 17 cm), dont deux sont manquantes, écritessur un format de cahier décolier à carreaux. Nogent-sur-Loire, 21 mai 1947. Lalettre se termine le 23 mai.
Pages 1 et 2 :
Elle voulait leur écrire depuis quelques temps.
« On m'a dit que RaynaldoHahn était mort. J'ai toujours redouté cette échéance pour vous ».
« J'ai lul'affaire de laffaire des 4 chefs d'orchestre de l'OpéraComique (…) », puiselle écrit que l'affaire ne semble pas prête de s'éteindre. Elle leur demandece qui est arrivé. Leur dernière lettre disait : « nous peinons, nous luttons», et cette lettre évoquait l'espérance très vague de concertsindépendants.
« Je pensais :quand tout s'écroulera sur lui, c'est nous qui le défendrons. Qui nous ? Moid'abord (…) et puis d'autres qui seraient dans le même esprit, mais entreceuxlà, j'en voyais deux dont je ne croyais pas qu'ils vous abandonneraient. Etje me demande maintenant si vous ne les avez jamais revus ».
« Et il y aquelque chose dont le malheur universel économies à l'air de triompher ; mais là ce n'estpas vrai. Quoi qu'il fasse, il ne fera pas taire l'amitié (…) dans lemonde ignoble ».
Elle a passé à certains points de vue un terrible hiver, à d'autres unmagnifique hiver. Elle a buté dans une plate-bande et elle a soufferthorriblement d'une douleur qui s'est propagée jusqu'à sa main. Ses voisins et amisne l'ont jamais abandonnée. Il y en a un qui lui a coupé du bois tous lesjours. Après elle a eu une grippe.
Manque le page 3
Page 4 :
Elle évoque l'aide qu'elle a reçu lorsqu'elle était souffrante « lesincomparables amis des maisons paysannes qui [l']entoure » et elle aeu « le château incomparable aussi ». Elle a d'ailleurs rédigé unedédicace à une messe pour ces amies, Anne-Marie la châtelaine et Renée etHélène deux paysannes. Elle évoque également un souvenir. Blanche Lucas avait remplacéà l'harmonium la châtelaine pour la messe, cette dernière, qui ne voulut pasreprendre son clavier, lui dit : « Non, la musique est votre âme, gardezle; cela vous fera beaucoup de plaisir ». L'orgue « si humblement qu'ilsoit m'a aidé à faire ce que j'ai fait depuis de musique religieuse ». Elletermine cette page en évoquant la position assise au piano qui devenait vitepour la jambe droite, artistique, une douloureuse fatigue.
Pages 5 et 6 :
Elle sexplique sur ses difficultés à jouer de l'orgue liées à la douleurd'une de ses jambes. Elle a été obligée d'inventer un moyen de manœuvrer lapédale « f » pour jouer du piano. Sa préoccupation c'était de n'être entendu depersonne « même pas de la maison dans l'ancienne étable qui est [son] «atelier de musique car voyez vous un chien me gênerait. Et puis, moinsj'entends, plus les sons m'énivrent ; car tout ce qui est trop précis limite lerêve ; trop vive lumière, sons trop nets ». Or, depuis sa chute, ellen'a plus mal à sa jambe droite et ses deux pieds se placent naturellement,droits sur les deux pédales et elle peut s'asseoir comme tout le monde a unedistance convenable du clavier. Elle note que tous ses sens ont été modifiés,évoque même sa vue.
« Que s'estil passé? Quand je dis ces choseslà, on ne me croit pas ».
Il lui est arrivé « une grande tristesse », elle a reçu unelettre noire :« Madame Paul Berthier ». (Paul Berthier est maître dechapelle de la cathédrale d'Auxerre. Il vient de perdre sa femme âgée de 52ans). Elle écrit de jolies phrases sur la tristesse que la musique mêmen'arrive plus à combler.
Elle se souvient lorsqu'elle a perdu sa mère combien le fait d'avoir étéprésentée pour la première fois au foyer de la salle Gaveau à Inghelbrechtavait pour elle a été si marquant : « vous étiez une sorte de prince trèsfrêle, dominateur, d'un royaume insaisissable. Au fond, cette principauté toutdans l'esprit, c'était la vérité, c'était Inghel. C'est là, sans hésiter, vousm'avez ouvert les portes de votre royaume. En m'accueillant ainsi sans lesavoir, vous m'avez recueillie ; je devais lentement et peu à peu recommencer àrespirer».
Manque la page 7.
Page 8 :
Elle raconte, après sa chute, toute sa difficulté à se
mouvoir et à manger. Madame Fettu l'a bien aidée. « Et pourtant, ily a dans cette chute des choses que je ne peux comprendre et qui pourraientbien finir par être des avantages, quand j'aurais repris des forces d'avant ».Elle ne s'explique pas cela. « ce que j'ai compris, c'est que je necomprends rien au corps humain. Je mourrai comme un sauvage, sans savoircomment il est fait ».
Elle termine :
« Ah ! comme jevoudrais être rassurée sur vous ! Mes chers amis, rien ne change de mon affectionpour vous ».
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